Elle avait mis sa jupe droite, la noire, celle qui lui serre. Elle allait marcher avec, dedans, compressée toute la journée, sans respirer. Elle viendrait cent fois. Elle ferait du bruit en ouvrant la porte, ses pas légers incapables de marquer le sol, malgré les talons qui claquent. Elle avait mis ses bijoux aussi, il y aurait une réunion, un

Pleine mer, noire à nouveau et au-delà des kilomètres d’eau gelée jusqu’au Spitzberg. Finalement, il n’existe pas de bout de monde, mais des étapes, elle le voit bien, des berges où on ne pose même pas le pied. La Terre ne s’arrête jamais, et May ne s’arrêtera pas non plus. Pas besoin d’arpenter tous les bouts de terre pour sav

May a débarqué avec les autres sans savoir où elle allait. On lui attribué une cabine, en fond de cale avec une autre femme, pas trop causante. Elle a bien vu le gros hublot verrouillé, les meubles attachés avec de petites chaînettes, le lit comme un tombeau avec des rebords sur les côtés, et les petites étagères encastrées au mur. Rien

Il fait chaud, les cloisons des immeubles sont fines, et personne ne dort. Les fêtes s'éternisent, une vieille dame est seule devant la télévision, un couple se déchire, un autre s'ennuie et regarde par la fenêtre... Voyeuse, France Inter (30 janvier 2014) Une pièce de Corinne Vuillaume Avec Justine Marche / Bertrand Suarez-Pasos Nathalie Bl

Tout compte fait, je ne suis pas sûre qu'on s'en soit tirés. Mais ça en valait la peine. La crise est toujours là. Le seul qui a réussi à tirer son épingle du jeu, c'est pépé Arthur, un vieux réac qui a fait fortune dans les assurances et la promotion immobilière. Pour le reste du monde, c’est un héros, pour nous, c’est juste un vie

Il attend sous l'abribus, il a froid, il neige depuis des heures, la mère lui dit de rentrer. Au début, il ne veut pas, il fait non de la tête. « Je suis bien là ». Il fait des gestes : « Je suis bien là ». Mais des bus, il en passe plus depuis vingt ans, le banc en fer blanc est défoncé et il y a un trou dans le toit. Alors, elle lui pa

Et nous voilà, Emma et moi, trois jours sans sortir, affairés sur nos rustines. Sales par ailleurs, à peine affamés. A l’abri de nos téléphones portables et d’une rue de plus en plus électrique. Moi, je me décape sous la douche, j'arrache quasiment la peau au gant de crin, pour m’assurer que je suis bien là. Je me coupe jusqu'au sang

Derrière la maison, il y a un étang marécageux et des buissons tellement épais qu'on pourrait y cacher un village entier. Maman me dit : « Denise, cet après-midi, on va nettoyer les marais. Tout le monde s'y met.» Et quand elle dit « tout le monde », je sais ce que ça veut dire. Que mes petits bras sont de la partie, et que je vais passer

Tromso, dix heures du matin. Le soleil renonce à se lever. Dans la petite ville, c’est l’état d’urgence. Rien ne filtre. On se croise, monolithiques, sans se voir, au mieux s’apercevoir ; on marche vite, on patine sur la croûte de verglas. Autour de nous, des militaires patrouillent, par deux. Et postés vers les banques, écoles, boutiq

Il mange beaucoup, de la viande à tous les repas, signe de progrès social, du fromage et du pain, à tous les repas aussi, l’indispensable. Il boit un petit vin qu’il achète en gros. Il descend remplir sa bouteille au cubi. Il mange de la cuisine au beurre, jamais d’huile d’olive, il n’a pas été habitué. Avec le couteau, il trace un